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    Elections présidentielles : Vote in the U.S.A !

    Le tout rock U.S a sorti les guitares de combat, mis de l'essence dans le tour bus et pour certains fait un détour en studio pour virer Bush Junior du bureau ovale. Les rebelles sans cause de la génération MTV en ont trouvé une !


    "Finalement, je crois vraiment que j'ai besoin d'un Bush à Washington pour faire un bon album.", confiait Al Jourgensen, à la sortie "Houses Of The Molé", le dernier album de Ministry, qui s'ouvre sur un très parlant "No W". C'était déjà lors de la première guerre du Golfe qu'était sorti l'implacable "Psalm 69" dans lequel il servait quelques douceurs au gouvernement de Bush senior.

    L'engagement de Jourgensen ne surprend pas, mais donne le ton. Alors qu'on imagine facilement le peu d'impact que Ministry peut avoir auprès des jeunes électeurs républicains, ses prises de position, et le ton qu'il emploie pour parler de l'actuel résident de la Maison Blanche, l'ont rendu omniprésent dans les posts des forums de rednecks.

    Il n'est pas le seul que la politique de Georges W.Bush agace. Des gens comme Jello Biaffra (l'ancien leader des Dead Kennedys), Fat Mike de NoFX, Wayne Kramer, le vétéran du MC5 ou les deux survivants de Nirvana Dave Grohl et Krist Novoselic, montent au front, comme ils l'ont d'ailleurs toujours fait au cours de leurs carrières sans que, pour autant, cela ne risque de faire écrouler la petite maison dans le prairie.

    Que Billie Joe Armstrong, le chanteur de Greenday, chante "Sieg Heil to the president gasman" et cartonne avec son "American Idiot", reste dans l'ordre normal des choses.

    Après tout, ils détestaient le père, ils haïssent le fils. Logique.

    Mais lorsque des groupes s'affichant depuis leurs débuts comme des crétins patentés, Blink 182 ou Sum 41 par exemple. Quand des formations aussi inutiles et rentables que Good Charlotte ou Papa Roach, aussi vomitivement formatées que No Doubt, quand ceux-là rejoignent les rangs de la contestation, ça commence à faire du bruit. "Vote for my guy : JFK. John Fuckin' Kerry" martèle Coby Dick, le chanteur de Papa Roach, tout content de sa saillie. Même si vous oubliez de leur en parler, eux n'oublient pas. Intarissables, que s'en est touchant ! Et ces stars du MTV Rock, qui vendent par semi-remorques entiers à la belle jeunesse états-unienne ont une toute autre surface médiatique que des groupes comme Bad Religion, Rancid ou Lagwagon.

    Soyons toutefois réalistes, car même avec des gaveurs d'oies grasses de l'acabit de No Doubt, on reste dans l'anecdotique. Mais prenez l'insipide Dave Matthews. S'il n'écoule chez nous qu'une poignée de CD à quelques vieux abonnés de Canal Jimmy et peine à remplir le Bataclan, c'est devant des stades pleins à craquer qu'il se produit aux Etats-Unis où le moindre de ses albums s'écoule au minimum à deux ou trois millions d'exemplaires. Jusqu'à présent on ne lui connaissait guère qu'un seul combat : la lutte contre la vente d'albums pirates. Grave révolutionnaire le gars, hein ? C'est pourtant le même Dave Matthews qui a rejoint le Vote For Change Tour qui arpente depuis quelques semaines les états où les résultats de l'élection risquent d'être le plus serrés, qui fait signer des promesses de vote à la sortie de ses concerts, et dit "Voter pour Bush, c'est voter pour une Amérique divisée, instable et paranoïaque.".

    Sa mobilisation étonne, mais une autre a stupéfié. Car le Boss lui-même est désormais au front. Bruce Springsteen, la voix de l'Amérique profonde en personne, celui dont le nom est tellement connu que mon correcteur automatique d'orthographe ne le souligne même pas en rouge quand je le tape. S'il n'avait jamais rechigné à s'investir dans des causes plus directement humanistes (la défense des fermiers, la lutte contre l'Apartheid, l'aide aux homeless), c'est la première fois qu'il attaque la politique de manière aussi frontale. Il s'en explique longuement sur son site et dit "J'ai le sentiment que je ne pourrais pas avoir écrit ce que j'ai écrit et être sur scène à chanter ce que j'ai chanté ces 25 dernières années sans prendre part à cette élection." Bruce Springsteen. 61.5 millions d'albums vendus rien qu'aux Etats-Unis en un quart de siècle. Plus que Madonna et plus que Michael Jackson. Autant dire que dans le pays du chiffre roi, lorsque le Boss élève la voix, on l'écoute.

    Autant dire aussi, que cela laisse assez peu de visibilité à des initiatives insolites, comme celle de Nick Rizzuto et de son mouvement, Conservative Punks, qui tente de rétablir la balance en soutenant indéfectiblement le gouvernement Bush. L'écurie maison ne fait pas le poids. Sorti de Michale Graves chanteur trop tardif des cultissimes Misfits, et de feu Johnny Ramone, Rizzuto ne rassemble autour de lui que des groupes rigoureusement inconnus. D'ailleurs, en dehors de ces énergumènes, ils sont assez peu nombreux ceux qui revendiquent leur adhésion à la politique du gouvernement sortant. Godsmack en bons huileux pour routiers qu'ils sont, assument, Kid Rock – qui est au binaire ce que MC Hammer fût au rap – soutient mais sans trop la ramener. D'une manière générale, il ne fait pas bon rouler pour Bush dans l'industrie du rock en ce moment. Ne restent alors de ce côté-là de la barrière que quelques has been attendus : les sudistes de Lynyrd Skynyrd par exemple ou ZZ Top, véritables héros au Texas où le jeudi 15 mai 1997 avait été déclaré ZZ Top Day par... George W. Bush.

    Jamais un président des Etats-Unis n'avait suscité de telles réactions, et c'est bien de cela qu'il s'agit : un conflit de personnes. Car si les pro-Bush sont, eh bien... pro-Bush, dans leur immense majorité les antis, n'en sont pas pour autant pro-Kerry. Maynard James Keenan, chanteur de Tool et de A Perfect Circle, sait bien qu'il n'y aura pas de Grand Soir si le sénateur du New Jersey l'emporte. Pour lui, qui comme nombre des confrères déjà mentionnés parle depuis des années d'une Amérique au bord de l'implosion sociale, il n'y aura dans le meilleur des cas qu'une légère amélioration du pire à espérer. Mais au moins, ce sera un pire sans Bush.

    Au fond, le fanatisme religieux de ce dernier, sa démagogie évidente et son ultra-libéralisme restent – peu ou prou – dans la norme. Ce que ne lui ont pas pardonné une partie des Américains, et avec eux les rockers qui nous occupent ici, c'est le mensonge éhonté. Le vieux fantôme de la vie politique américaine. Celui qui a failli coûter son siège à Clinton, et qui a fait tomber Nixon. Est-ce naïveté de leur part que de nier la part de mensonge inhérente à la chose gouvernementale, ou bien sommes-nous, nous autres Européens, trop familiers de Machiavel ? Je pense que la réponse est plutôt à chercher dans le vieux fond de moralité qui sert de socle à la société américaine. Leur capacité à être encore révolté par le cynisme de leurs dirigeants nous les fait voir comme des grands ados un peu candides, mais n'est-ce pas salutaire ? N'avons-nous pas, nous, perdu quelque chose en route ?

    D'autre en tout cas ont jugé qu'ils avaient dans l'affaire quelque chose à gagner. Ainsi un équipementier audio qui a profité de l'actualité brûlante du Vote For Change Tour pour annoncer son partenariat exclusif avec le Dave Matthews Band, ou ce fabricant d'un logiciel musical qui offre un contrat discographique à l'auteur de la meilleure chanson sur les élections, du moment qu'elle est composée sur son produit et que l'auteur est capable de fournir une preuve d'achat du logiciel. L'Amérique reste l'Amérique.


    Archives - Octobre 2004




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